La gastronomie est la joie de toutes les situations et de tous les âges. Elle donne la beauté et l'esprit. Elle saupoudre d'étincelles d'or l'humide azur de nos prunelles ; elle imprime à nos lèvres le ton du corail ardent ; elle chasse nos cheveux en arrière ; elle fait trembler d'intelligence nos narines. Elle donne la mansuétude et la galanterie.
S'attaquant à tous les sens à la fois, elle résume toutes les poésies : poésie du son et de la couleur, poésie du goût et de l'odorat, poésie souveraine du toucher. Elle est suave avec les fraises des forêts, les grappes des côteaux, les cerises agaçantes, les pêches duvetées ; elle est forte avec les chevreuils effarouchés et les faisans qui éblouissent. Elle va du matérialisme le plus effréné au spiritualisme le plus exquis : de Pontoise à Malaga, de Beaune au Johannisberg. Elle aime le sang qui coule des levrauts, et l'or de race, l'or pâle qui tombe des flacons de Sauternes.
Charles Monselet