Ce qui caractérise le baba,
C'est l'intempérance notoire.
A-t-il dans l'estomac
Une éponge ? On le pourrait croire,
Avec laquelle on lui voit boire,
— En quelle étrange quantité —
Soit du kirsch, de la Forêt-Noire
Soit du rhum, de première qualité.
Oui, le baba se saoule sans vergogne
Au milieu d'une assiette humide s'étalant,
Tandis que près de lui, dans leur boîte en fer-blanc
De honte et de dégoût tout confus et tremblants,
Les gâteaux secs regardent cet ivrogne.
« Voyez, dit l'un des gâteaux secs, un ancien — à ce point ancien qu'il est même un peu rance —
Voyez combien l'intempérance nous doit inspirer de mépris
Et voyez-en aussi les déplorables fruits :
Victime de son inconduite,
Sachez que le baba se mange tout de suite.
Pour nous qui menons au contraire
une vie réglée, austère
on nous laisse parfois des mois. »
Cependant, une croquignole,
jeune et frivole, et un peu folle,
Une croquignole songe à part soi :
— On le mange, mais lui, en attendant, il boit.
Je connais plus d'un gâteau sec
Dont c'est au fond l'ambition secrète
Et qui souhaite d'être baba.
Maurice Étienne Legrand, dit Franc-Nohain