Noire, « tannée » par le soleil et grillée par la main de l’homme, la fève du café a parcouru un long voyage dans l’espace et le temps avant de parvenir jusqu’à nous…
Des chèvres surcaféinées !
Selon la légende, un berger arabe ou yéménite aurait noté l’excitation et la vivacité extrême de ses chèvres grignoteuses de baies rouges. Les goûtant, il se serait senti plus vif lui-même. De bouche à oreille, les moines d’un village voisin utilisèrent ces baies rouges afin de rester éveillés durant la prière. Toujours selon la légende, ces moines découvrirent qu’en faisant griller ces baies, ces dernières conservaient leurs vertus stimulantes tout en développant une saveur plus agréable.
Cette légende situe la découverte du café par l’homme selon les sources en 300 ou 800 après Jésus Christ, en Ethiopie ou au Yémen. Les premiers textes évoquant le café feraient remonter leur existence à l’an 900-1000 mais son existence est très certainement bien antérieure !
Petit voyage dans le temps… Première étape moyen-orientale
Le caféier est un arbuste originaire de la « Corne de l’Afrique », des hauts plateaux de l’Ethiopie au Yémen, où il pousse à l’état sauvage à la faveur du climat tropical. Les premières plantations, yéménites, se développent en Arabie et en Egypte. Le café gagne ses lettres de noblesse dans le monde musulman et remplace le vin, boisson trop subversive. Il y gagne le nom de « kahwa » qui, en arabe, évoque tantôt un vin doux dans la poésie ancienne, tantôt l’amour divin, chez les mystiques. Le sens aurait progressivement glissé vers le café vers le XIIIème siècle, après l’interdiction du vin par l’Islam.
C’est surtout au XVème que le café se popularise à travers le monde musulman, du Caire à Constantinople et à Istanbul, à travers les « maisons de café », des établissements qui s’ouvrent dans divers grands ports et villes du Moyen-Orient, dans la première moitié du XVI siècle. La Turquie devient la nouvelle « Mecque » du café, le terme kahwa devient kahvé qui se modifiera ensuite en caffè en italien (à partir de 1615, date à laquelle le café se fait connaître pour la première fois en Italie, à Venise) puis en café, en français.
Et vogue le café... Escales européennes !
Dès l’arrivée du café en Italie en début du XVIème siècle, l’Eglise voit dans cette boisson à la robe noire, à la saveur puissante et amère, aux vertus énergisantes, la marque du Démon ! Mais l’Inquisition ne réussit pas à éliminer ni le produit, ni les « chancres sociaux » que sont à ses yeux les maisons de café ! Jusqu'au XVIIe siècle, il n'est en Italie qu'une curiosité réservée à l'entourage des quelques voyageurs qui en rapportent d’Orient. On en trouve aussi comme médicament chez les apothicaires.
En 1644, un navire d'Alexandrie débarque sa marchandise à Marseille où s'ouvre, 10 ans plus tard, le premier café public, puis un autre et il faut attendre 1672 pour l’inauguration du premier café parisien. Bien avant la création en 1702 par Francesco Procopio Cutô, du fameux Procope, premier café littéraire à la française…. Vers 1669, l'ambassadeur de l'empire ottoman à Paris, Soliman Aga, vante les mérites de la boisson auprès de la haute société parisienne, en se livrant à des mises en scène que singera par Molière dans son Bourgeois Gentilhomme !
En 1683, Les Turcs assiègent Vienne mais sont mis en déroute à la faveur de l’intervention d’un Polonais qui fournit toutes les informations nécessaires à la victoire des Autrichiens. En remerciement, Franz Goerg Kolschitzky acquiert la nationalité autrichienne et 500 sacs de café. Il crée un café mais le succès se fait attendre : les viennois n’apprécient pas le café à la turque. Il a alors l’idée de filtrer le café et d’y ajouter de la crème fouetté : le café viennois est né !
Très vite, les européens s’entichent du café, après le thé et le chocolat. Ce sont les grands transporteurs maritimes européens, comme la East India Company et la Compagnie Hollandaise des Indes orientales, qui amorceront le véritable commerce du café en Europe.
Au début du XVIIIème siècle, les Hollandais, suivis de près par les Français et les Espagnols exploitent des plantations de caféiers dans leurs colonies respectives ; de l’Afrique, le café s’installe en Indonésie, Amérique du Sud et dans les Antilles.
Il s’échange vite en bourse et devient l’une des plus importantes cotations sur les marchés mondiaux.
Buveurs célèbres de café
Parmi les hommes d’état buveurs de café, on raconte que Napoléon 1er disposait de 7 cafetières en permanence sur le feu et qu’il se dopait littéralement à cette boisson « énergisante » ! Pendant la campagne d'Égypte notamment, il consommait beaucoup de cette boisson autochtone… Louis XV fut incontestablement sous le charme de la noire boisson et fit planter des caféiers sous serre à Versailles.
Talleyrand vanta les vertus du café qui « libère l’estomac, ne trouble pas la pensée, active le sang, facilite le travail, restaure la santé et procure des nuits délicieuses » !
Du côté des écrivains, le plus grand consommateur fut sans doute Voltaire, qui, dit-on, buvait jusqu’à 75 tasses par jour ! A son médecin qui le mettait en garde contre les effets nocifs d'un abus de café, il aurait répondu: « S'il en est ainsi, voici quatre-vingts ans que j'essaie de m'empoisonner ». Et bien sûr les encyclopédistes. De là à imaginer le café-boisson et le café-institution aux commandes des événements de 1789, il n’y a qu’un pas…
Honoré de Balzac est aussi réputé grand buveur de café, il buvait jusqu’à 30 tasses par jour et il lui a même consacré une étude. Quant à Céline, il ne jurait que par son café au lait !
Parmi les compositeurs de musique, Beethoven appréciait le café très fort, préparé à « soixante grains par tasse ». Quant à Bach il lui dédia une cantate !