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Par Tiuscha
Ce figuier était plus de deux fois centenaire ;
Sa branche se tordait comme un nombreux serpent ;
Sous sa voûte on errait comme en un cloître on erre,
Et cet arbre était fier d’ombrager un arpent.
C’était toujours la nuit sous ses rameaux en arches.
Aussi les amoureux s’y donnaient rendez-vous ;
Car les enfans toujours plaisent aux patriarches,
Et les vieux sages sont amis des jeunes fous.
Vrai ! ses tiges vivaient parasites ou franches,
Et leur fourmillement noir bruissait toujours ;
Mais le tronc reposait rassasié de branches
Ainsi que Job était rassasié de jours.
Ses surgeons pullulaient sous le vert de sa robe ;
Mais la sève sans cesse émanait du vieux cœur ;
Ainsi Dieu sur un doigt levé maintient le globe
Et rien qu’en y pensant assure sa vigueur.
En vain des ans nouveaux s’épuisaient les clepsydres ;
Plus vieux, l’arbre, au rebours de l’homme, était plus beau ;
Ses têtes renaissaient comme celles des hydres,
Et sa racine allait réveiller le tombeau.
Or il roula si bien ses anneaux de couleuvre,
Or il couvrit la plaine entière d’un tel poids,
Que le Seigneur le vit, s’admira dans son œuvre,
Et dit à l’arbre vert qui paraissait un bois :
« Arbre, je veux pour toi faire une chose encore,
Car tu mis à profit et ton temps et ton suc ;
De quel honneur nouveau veux-tu qu’on te décore,
O toi qui sus vieillir sans devenir caduc ?
Veux-tu plus de rameaux, ou veux-tu plus de feuilles ?
Veux-tu que plus d’oiseaux t’emplissent de leur bruit ?
Je voudrai ce que tu voudras, quoi que tu veuilles… »
— Et l’arbre murmura : « Produire encore un fruit ! »
Le figuier - Robert de Montesquiou (sur la photo ci-dessus)
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