Adepte des jeux et autres concours de cuisine, je suis passée de l'autre côté du miroir, une fois n'est pas coutume, pour juger d'autres amateurs de cuisine. C'est à la demande de Laurence Sapet, la femme du chef Eric Sapet, que j'ai rallié le jury d'un concours de cuisine organisé par Les Compagnons de Dionysos sur le thème du saumon, emmenant avec moi une copine chef de cuisine, restauratrice à Sablet et toute jeune disciple d'Escoffier : Patricia Raffaelli, du restaurant les Genêts. A nos côtés dans le jury, deux autres amateurs et deux autres chefs. Parité égale : 3 hommes, 3 femmes, 3 amateurs, 3 professionnels ! Les avis entre les uns et les autres ont parfois divergé, mais globalement le jugement s'est avéré plutôt consensuel. A noter, le point précis de l'hygiène et de l'organisation du plan de travail sur lesquels les chefs se sont montrés plus intransigeants que les amateurs... Ci-dessous, une partie du jury, attentif (à droite, Patricia ; à gauche René Bergès, président du jury).Alors, quelles qualités pour être juré dans un concours de cuisine ? Observation, attention, dégustation... Il faut avoir un bon palais certes, le sens des cuissons justes, celui de l'équilibre des saveurs. Il faut être neutre vis à vis des candidats bien entendu mais aussi en ce qui concerne les ingrédients utilisés (sauf s'ils sont clairement hors saison). Pas de parti pris, une ouverture d'esprit, une curiosité sont encore les meilleurs instruments pour aiguiser son jugement !
Le saumon, thème central du concours : La découpe était-elle réussie ? Etait-il bien cuit, était-il présent en bouche ou pas, disparaissait-il en texture ou en saveur derrière d'autres ingrédients ?
Les autres ingrédients étaient-ils bien de saison ? Un bémol sur les langoustines congelées de l'un des candidats... Mais c'est la limite du décalage qu'il peut y avoir parfois entre l'envoi d'un dossier de candidature et la réalisation in situ de la recette : entretemps, certains ingrédients peuvent avoir disparu...L'un des candidats a proposé une trilogie engendrant un surcroît de travail, tandis que les deux autres un plat unique et plus simple à maîtriser. Le premier a couru un risque : faut-il ou non récompenser cette prise de risque ? car il multiplie dans le même temps à la fois l'échec possible ou a contrario, le succès : si les 3 éléments sont réussis, faut-il augmenter en conséquence sa note, du fait du travail produit ?
Un four défectueux a engendré un coup de feu difficile à maîtrisé côté stress pour le candidat Yvon Reiss, qui s'en est finalement bien tiré avec ce saumon bien iodé : Saumon et ses légumes de potée, beurre fin et tartare d'huitres. Le saumon est cuit à la perfection, à basse température, la ballotine de chou enferme une purée de vitelotte iodée au jus des huîtres et le tartare punche le saumon. La sauce façon beurre blanc à l'espuma dépote ! Très acide seule (trop ?), mais prise avec le saumon et le tartare d'huître, l'ensemble trouve son équilibre...Second à passer, Cédric Garaventa propose Le voyage du saumon de la Bretagne par la Méditerranée aux Tropiques, la fameuse trilogie... La présentation est parfaite. De gauche à droite, cannelé" genre quenelle fondante au saumon sur une sauce à l'américaine, plutôt corsée, mais l'ensemble est agréable ; saumon confit à l'huile d'olive, aux saveurs du sud, poivron et basilic plutôt bien exécuté malgré un léger dessèchement du poisson mais sans surprise gustative ; tartare vanillé à la granny smith et wasabi sur gelée de poire. La pomme est trop présente et prend le pas sur le saumon, le wasabi est peu présent.
La troisième assiette est une Ballotine de Saumon aux saveurs d'automne par Katia Novène, dernière candidate, qui pâtit du retard pris au début de la présentation. L'assiette arrive froide : les girolles et la pomme de terre sont à peine tièdes, mais nous ne sommes pas supposés en tenir compte. Panure noisette et sauce au foie gras, le poisson est bien cuit, fondant à l'intérieur.
Le lauréat sera finalement Cédric, les deux autres candidats étant au coude à coude derrière...