Alexandre Mazzia, le trublion marseillais de la gastronomie, inventif et touche à tout, n'est plus à présenter. Pour autant, en ayant suivi ses évolutions (et circonvolutions) depuis ses débuts en tant que chef au Ventre de l'Architecte, juqu'à sa table AM Alexandre Mazzia il y a 2 ans, je n'avais pas encore goûté sa cuisine. j'y ai lu de loin l'influence de chefs chez qui il est passé, Michel Bras ou Alain Passard, mais il y a une vraie patte, une créativité et une sensibilité propre. Il jongle avec les textures et les saveurs, les couleurs également avec un réel talent. Au menu du plaisir et de l'émotion. Le sommelier nous fait déguster des vins en réelle harmonie, c'est un vrai "plus" qui magnifie la cuisine du chef. Confiance requise pour ce menu à l'aveugle en divers plats autour des légumes et des produits de la mer.
Premier mets, mini tartelette haricots verts, orange et bergamote. Beaucoup de punch pour démarrer avec une note acidulée dominante, idéal accord ton sur ton avec le premier vin, un Viré-Clessé 2010 du domaine de la Bongran (Thévenet et fils), vin à la bouche ample délicatement florale avec une finale minérale sur des notes d'agrumes.
L'accord est plus contrasté mais sublime avec les bouchées anguille fumée-chocolat, véritablement puissante, avec une profondeur et une longueur en bouche sans que l'anguille ou le chocolat ne domine l'autre. Epoustouflant ! Le vin booste et prolonge cette saveur double, bel accord donc.
Bel accord à nouveau avec l'un des plats signature : biscottes végétales, iodées et acidulées, à l'agréable vivacité et au croquant ludique. Excellent turbot mariné, mélasse de carotte et sucre de bacon. La mélasse de carotte est très intéressante pour sa densité et sa sucrosité.
Les oeufs marinés au saké, lait fumé et noisette déçoivent un peu par la lourdeur des morceaux de noisette (trop gros, des éclats auraient été suffisants) qui gâche à mon sens la finesse du plat, car les oeufs marinés explosent de leur saveur de saké et c'est sublime, avec un peu de lait fumé. Dommage, l'idée est brillante.
Petite mousse de légume et parmesan craquant pour la dernière bouchée, agréable mais sans réelle surprise.
J'aime le brocolis mais ce plat fait redécouvrir ce légume, nettement ! La cuisson (purée/grillé) et les autres ingrédients détonnent : brocolis, pois chiche, passion, jus tranché à l'estragon. Une claque !
La "moelle" de chou fleur à la poudre de morille est également un concentré de saveur. Deux plats de belle puissance.
Maquereau et hareng, moules en tartare, betterave, gelée de coco, eau de tomate et sumac. Encore un grand plat savoureux, très frais en bouche, acidulé-iodé avec la note "terreuse" de la betterave.
Il suit un pain foccacia au piment d'Espelette accompagné de beurre fumé au galanga ; on ne sent pas le galanga, mais la dégustation est gourmande, plaisante quoiqu'un peu grasse.
Bons accords avec un viognier "de granite" du domaine Sérol, "de Butte en Blanc" 2015, un viognier très aromatique mais nerveux, minéral.
Chou-fleur fumé, lard de Colonnata, avocat, coriandre, câpres et cerise. Mariage a priori improbable mais qui fonctionne merveilleusement, chaque élément du puzzle s'associant aux autres dans une belle harmonie de saveurs. Bon accord avec le vin encore une fois, un Chardonnay 2014 "Terre Blanche" de Noëlla Morantin, vin nature, pur, d'une grande vivacité et fort caractère, des notes florales, végétales et un peu iodées également, beaucoup de complexité et une étonnante longueur.
Le poisson qui suit est également un grand plat, sinon LE plat de ce menu : merlu de ligne, manioc, aubergine en raviole, poudre végétale, lait de poule au cumin et vinaigre de riz. Cuissons parfaites, l'aubergine est un velours, le lait de poule est onctueux, gourmand et plein de peps, la raviole infiniment fondante, ce plat est une pure volupté ! Bel accord également avec le vin précédent.
Pour les amateurs de fromage, un gruyère d'alpage tranché très fin, grignotage au doigt accompagné à nouvau de focaccia...
A l'heure du dessert, une bouchée ananas, yoghurt, huile infusée à la menthe d'un côté, de l'autre un dessert autour du café, thé matcha et yuzu.
Puis une dégustation mirabelle, verveine, peau de lait fumé et huile de chorizo.
Beaucoup de finesse dans les desserts, qui jouent de saveurs étonnantes et poursuivent la surprise jusqu'à la fin du repas.
Un vin de dessert ? Coteaux du Layon de Patrick Beaudoin "les Bruandières" 2005, frais, très équilibré, un pur délice même seul mais je le trouve très en phase avec l'ananas...
Encore un peu de sucre pour clore le repas et accompagner le café : financier matcha-noix de cajou, sablé & chocolat, comme un crumble chocolat piment d'Espelette et créme café-griotte. Le dernier notamment stimule par son orginalité une dernière fois les papilles.
AM Alexandre Mazzia
9 rue Rocca
13008 Marseille