Connaissez-vous le pays vellave cher à Régis Marcon et à Jacques, son fils ? C'est la patrie de la lentille du Puy et de la verveine du Velay, aux confins de l'Ardèche "au beurre" et aux portes de l'Auvergne. Une région de collines verdoyantes, plantées de conifères...
Saint-Bonnet-le-Froid est un petit village frontalier entre Velay et Vivarais (du nom d'un des menus proposés à la table de Régis Marcon), où la burle hivernale souffle la neige en congères glacées mais qui offre une nature généreuse, entre
fleurs sauvages et multiples champignons forestiers, creuset de la cuisine d'ici...
Le lieu-dit Larsiallas où se niche l'hostellerie "Relais & Chateaux" et le restaurant 3* de Régis et Jacques Marcon, marque une frontière naturelle, une ligne de partage des eaux entre Méditerrannée et Atlantique : sur un versant part le Doux, dont les eaux rejoignent le Rhône, puis la mer Méditerrannée ; sur l'autre, la Saint-Bonnette se jettera dans la Dunières, affluent de la Loire... C'est là que le père et le fils ont grandi et vécu, donnant peu à peu une nouvelle impulsion au village et créant une formidable entreprise qui emploie plus de 60 personnes : outre le site de Larsiallas, vous trouverez le restaurant-salon de thé La Coulemelle, la boulangerie-pâtisserie , un second hôtel Le Clos des Cîmes, le village de vacances les Russules, et un caviste, la Cave Marcon. La Chanterelle, la Coulemelle, les Russues, vous l'aurez compris, vous le savez sans doute déjà, c'est ici la patrie des champignons, vrais et factices (comme celui qui vous accueille devant l'hôtel à Larsiallias, voir photo ci-dessus) !
Mais entrons dans l'hôtel Relais & Chateaux, certifié Ecolabel depuis 2009... Tout est pensé ici pour être en harmonie avec l'environnement, jusqu'au béton qui pourrait laisser perplexe mais qui a le pouvoir de conserver la chaleur ou la fraîcheur, cet excellent conducteur de calories est un choix écologique pour l'hôtel semi-enterré ; les chambres presque troglodytiques se situent sous terre mais offrent une vue étendue à toute la vallée ! En sous-sol, l'on découvre à travers un étonnant diaporama l'intimité de la "Maison Marcon", qui vit au rythme de saisons entre la foire aux Champignons et les "sorties aux herbes" qu'organise Régis Marcon pour ses équipes.
Ci-dessous, une photo tirée du diaporama chez Régis et Jacques Marcon
L'espace est "meublé" de colonnes comme des forêts enchantées, les murs sont peints de champs de plein été, des effets lumineux habillent les volumes... et les chambres prennent des noms de pierres précieuses : quartz, améthyste, jade...
En descendant encore d'un niveau, l'on parvient à l'espace bien-être : bassin d'eau naturelle, cerné de plantes aquatiques, sauna, massage sur mesure (pied, visage, dos...), le tout dans un envoûtant parfum de verveine. Un moment de détente dans un silence apaisant.
Dans la chambre, spacieuse avec son lit "king-size", le silence est rompu par une musique composée sur mesure, une ode à la nature environnante. Là aussi, la terrasse s'ouvre sur la vallée et les forêts, comme la salle de bain, luxueuse, dotée d'un espace douche et d'une grande baignoire ronde, avec vue "panoramique". Les produits de soins et de beauté y sont mis à disposition en grands contenants et non en conditionnements jetables individuels, pour d'évidentes raisons écologiques. Et là encore, la verveine règne en maître !
Passons la porte du restaurant, sobrement décoré, avec une vue à nouveau sur la nature, d'où nous verrons la lune, pleine et jaune, ainsi que de faux astres lumineux : les lumières clignotant au plafond de la salle de restaurant forment comme des étoiles dans le ciel, une idée poétique et... lumineuse ! Le service est effectué par une équipe de 12 personnes (20 en cuisine), dont Régis Marcon, qui aime à faire le tour des tables pour raconter et expliquer sa cuisine, les champignons et les fleurs des champs ; il n'est pas rare de le voir réaliser une découpe en salle voire servir !
Nous optons pour le menu "découverte", Entre Velay et Vivarais : pas moins de 9 amuse-bouches, 6 plats, fromage, desserts, mignardises et confiseries. De quoi donner la mesure du talent de Régis et Jaques Marcon !
Première vague d'amuse-bouche (un peu dans le désordre) : cromesquis de Saint-Nectaire et sucette de Comté ; cornet croustillant de houmous de lentilles ; huître pochée en gelée de pomme verte, toast ail et perles de tapioca (savoureux, très frais, hélas non photographié) ; crémeux de champignons et brunoise de fenouil croquant, mousserons et trompettes de la mort : nous entrons dans le vif du sujet avec cette amuse-bouche aux champignons !
Entre l'huître et le crémeux de champignons, assiette colorée de 4 amuse-bouches (avec les indications sur un calque joliment décoré, en rappel !) : crêpe sarrasin, saumon et carotte ; tomate et pistou (bonbon gélifié à l'eau de tomate et pistou) ; melon et jambon ; tête de veau gribiche (revisitée avec des saveurs asiatiques, sauce soja et croustillant sucré comme une nougatine).
Première entrée : Sur un parfum de cistre, des préparations d'été aux écrevisses, gelée crème, petites pousses et fleurs. Une version très fraîche avec tomate, coulis et eau parfumée à l'aspérule odorante, des herbes sauvages comme la pimprenelle, l'oxalys et l'oseille sauvage, des queues d'écrevisses. Découverte fracassante de l'aspérule odorante dans l'eau de tomate : cette fleur s'utilise séchée en infusion pour parfumer d'une note d'amande ; à la fois florale et fruitée, elle doit faire merveille en bouillon, en sorbet ou crème glacée. Gros coup de coeur !
En version tiède, ci-dessus, la crème d'écrevisse et sa gelée a été SON coup de foudre, beaucoup de saveur, concentrée, puissante presque, parfumée à la cistre, plante légèrement anisée (on la surnomme "fenouil des Alpes"). Sont servies également de très fines tuiles végétales de courgette, aubergine et fleur de courgette, croustillantes à souhait (à l'arrière-plan).
Deuxième entrée : Herbes et légumes d'été, le chou farci au foie gras, légumes et herbes d'été comme un pho (le pot-au-feu vietnamien). Les herbes ciselées sont parsemées en salle et le bouillon fumant versé aussitôt. Le plat est très parfumé, à la fois fluide et dense, il allie la légèreté digeste du pho et la consistance gourmande d'une épaisse tranche de foie gras, fondante et goûteuse dans sa feuille de chou, délicieux !
Troisième entrée : Chanterelles communes et homard, ragoût de girolles et homard au basilic safrané à la façon d'une bouillabaisse. Excellent mariage entre les deux produits, associé à la saveur safranée de la bouillabaisse, servi avec un fin croûton circulaire et d'une rouille d'une infinie légèreté, tout comme l'émulsion mousseuse...
Plat de poisson : Omble chevalier et verveine, omble chevalier croûté, beurre noisette à la verveine, mousserons des prés. Parfaites cuissons, joli plat mais qui manque un peu de verveine à mon goût. Avec les entrées et le poisson, nous avons bu un Clos Vougeot 1er cru 2009 Le clos blanc de Vougeot Monopole du Domaine la Vougeraie (en demi bouteille), alliant minéralité et rondeur avec beaucoup de finesse.
Parenthèse avec l'infusion de champignons et feuille de tanaisie, herbe réputée pour ses vertus digestives. Pas un plat à proprement parler, mais une préparation "signature", étonnante, très agréable et tellement parfumée !
Plat de viande : Canard de Challans, canard rôti aux myrtilles d'ici, poivre de kampot, parmentier de cuisse à la pistache. Là encore, excellente cuisson de la viande comme des légumes, la myrtille sauvage fait merveille avec le canard ; la sauce est dressée en salle et la mini casserole laissée pour se resservir à l'envi !Détail gourmand : un cigare très fin farci d'abats du volatile.
Le parmentier est une mousse siphonnée de polenta, fabuleusement fine et légère qui dissimule la chair confite et parfumée, le croquant de la pistache en plus. Divin. Surtout en dégustant le Côte-Rôtie Bassenon 2008 de Cuilleron, vin gourmand sur le fruit, aux tanins souples, parfait avec le canard.
Fromages (au choix, faisselle sucrée ou salée, plateau de fromages, assiette travaillée de Bleus : j'ai choisi la dernière) : sorbet bleu, pomme verte et céleri ; toast de chèvre aux fines herbes ; bleu d'Auvergne, gelée de fraise et poivron ; croustillant de bleu. Ludique, gourmand, pour amateurs de pâtes persillées cuisinées !
Quelques pré-desserts ? Le premier est un sorbet aux herbes (menthe, basilic, persil et estragon) sur un mesclun, pomme verte et amandes, des notes subtilement sucrées pour préparer les papilles ! Le sorbet est excellent, plein de fraîcheur. En arrière-plan, un genre de lait de poule à la châtaigne et à la poire Williams, savoureux, là encore.
En même temps, arrivent des mignardises : chou praliné digne des plus grands pâtissiers, sablé au sucre, financier pistache et myrtille, sablé framboise et thym citron, pâte de fruits châtaigne et verveine (coups de coeur pour ces deux friandises).
Le dessert : pour moi, Banane, pêche et morille, charlotte banane et pêche au caramel de morille, crème glacée au sucre brûlé (en fait glace au caramel de gingembre, servi avec le même caramel de morille que dans la charlotte). Dessert surprenant mais la banane et la morille se marient décidément très bien et le caramel de morille est un pur délice qui n'est pas sans rappeler celui de truffe noire.
Pour lui, Chocolat et chicorée, l'exquisit au chocolat Saint Domingue, biscuit croquant, granité chicorée (traduisez millefeuille). Haut niveau là aussi. A noter, plutôt qu'un granité c'est une glace crémeuse qui a été servie...
Mais la ronde sucrée ne s'arrête pas là, il y avait encore une compotée de mirabelle à la reine des prés (une fleur que j'aime beaucoup) et le mythique caviar de lentilles agrume et vanille (une version voisine du confit de lentille dégustée il y a quelques 4 ou 5 ans), une vraie friandise à manger à la cuillère, comme le vrai caviar ! Et quelques chocolats en dégustation : palet chocolat-café et praliné aux cèpes, accompagnés d'un petit verre de Griottines® (sans parler des chocolats qui nous attendaient dans la chambre). Pour terminer ce formidable repas, une infusion de verveine s'imposait !
Le lendemain matin, juste avant une rapide visite des cuisines (spacieuses avec de grandes baies vitrées sur la nature), nous avons pris un petit déjeuner composé de salade de fruits de saison, fromages, jus d'orange pressé, pains et viennoiserie, avec deux confitures savoureuses et un miel exceptionnel (parfait avec le beurre, voire le chèvre frais). Et du beurre en forme de champignons !
Nous n'avons pas quitté la maison Marcon sans faire un tour à la boulangerie du village, nous en sommes repartis avec un pain de seigle encore tiède, un cake aux myrtilles sauvages, une brioche aux amandes caramélisées entre autres... Nous avons également fait des emplettes à la Cave Marcon qui recèle de jolis flacons.
Le pays vellave regorge de richesses naturelles, de chemins de randonnée pleins de charme et d'un duo de chefs de très grand talent. Ce fut un joli cadeau pour nos 10 ans de mariage (avec une petite participation des Fromages AOP d'Auvergne, suite à certain concours de cuisine...) Quand reviendrons-nous ? J'aimerais découvrir le Printemps d'ici, ses premières fleurs et plantes sauvages, ses morilles fraîches et son boeuf fin gras du Mézenc voisin !
Régis et Jacques Marcon
Larsiallas
43290 St-Bonnet-le-Froid
Tél 04 71 59 93 72
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