L'Epiphanie (le gâteau des rois) de Jean-Baptiste Greuze (1774) est conservée au Musée Fabre à Montpellier, ildécrit la fête religieuse du Gâteau des rois (d'origine aïenne et antique), célébrée le 6 janvier. Celui qui trouve la fève dissimulée dans la galette de vient le Roi d'un jour... Une scène populaire, le bonheur simple d'une honnête famille paysanne. Les regards pétillent de gourmandise tandis que le père, concentré, distribue les parts à sa progéniture.
Et voici un texte tiré de Mademoiselle Perle, texte de Guy de Maupassant publié dans le supplément littéraire du Figaro du 16 janvier 1886 et trouvé ici :
Donc, cette année, comme les autres années, j'ai été dîner chez les Chantal pour fêter l'Epiphanie. (...)
Au dessert, on apporta le gâteau des Rois. Or, chaque année, M. Chantal était roi. Etait-ce l'effet d'un hasard continu ou d'une convention familiale, je n'en sais rien, mais il trouvait infailliblement la fève dans sa part de pâtisserie, et il proclamait reine Mme Chantal. Aussi, fus-je stupéfait en sentant dans une bouchée de brioche quelque chose de très dur qui faillit me casser une dent. J'ôtai doucement cet objet de ma bouche et j'aperçus une petite poupée de porcelaine, pas plus grosse qu'un haricot. La surprise me fit dire:
- Ah!
On me regarda, et Chantal s'écria en battant des mains:
- C'est Gaston. C'est Gaston. Vive le roi! vive le roi! Tout le monde reprit en choeur: "Vive le roi!" Et je rougis jusqu'aux oreilles, comme on rougit souvent, sans raison, dans les situations un peu sottes. Je demeurais les yeux baissés, tenant entre deux doigts ce grain de faïence, m'efforçant de rire et ne sachant que faire ni que dire, lorsque Chantal reprit:
- Maintenant, il faut choisir une reine.
Alors je fus atterré. En une seconde, mille pensées, mille suppositions me traversèrent l'esprit. Voulait-on me faire désigner une des demoiselles Chantal? Etait-ce là un moyen de me faire dire celle que je préférais? Etait-ce une douce, légère, insensible poussée des parents vers un mariage possible? L'idée de mariage rôde sans cesse dans toutes les maisons à grandes filles et prend toutes les formes, tous les déguisements, tous les moyens. Une peur atroce de me compromettre m'envahit, et aussi une extrême timidité, devant l'attitude si obstinément correcte et fermée de Mlles Louise et Pauline. Elire l'une d'elles au détriment de l'autre me sembla aussi difficile que de choisir entre deux gouttes d'eau; et puis, la crainte de m'aventurer dans une histoire où je serais conduit au mariage malgré moi, tout doucement, par des procédés aussi discrets, aussi inaperçus et aussi calmes que cette royauté insignifiante, me troublait horriblement.
Mais tout à coup, j'eus une inspiration, et je tendis à Mlle Perle la poupée symbolique. Tout le monde fut d'abord surpris, puis on apprécia sans doute ma délicatesse et ma discrétion, car on applaudit avec furie. On criait.
- Vive la reine! vive la reine
Quant à elle, la pauvre vieille fille, elle avait perdu toute contenance; elle tremblait, effarée, et balbutiait:
- Mais non... mais non... mais non... pas moi... Je vous en prie... pas moi... Je vous en prie...
Alors, pour la première fois de ma vie, je regardai Mlle Perle, et je me demandai ce qu'elle était.